Il était déjà tard et le jeune Rimbaud arpentait les rues de Montmartre d'un air agacé, tenant sa pipe entre ses dents alors qu'il fumait nerveusement. Les mains dans ses poches, Rimbaud serrait les poings. Il en avait marre. Marre de tout, et surtout marre de Verlaine.
L'amant du jeune garçon était un poète établi à Paris depuis longtemps, il vivait avec sa femme chez le père de celle-ci. Il avait une vie rangée… En bref, tout ce que le gamin détestait. Cette vie de fonctionnaire rangé le dégoûtait au plus haut point. Il détestait ça et en avait attendu bien mieux de la part d'un homme qui lui eut écrit 'Venez, grande âme, nous vous attendons.'.Il en avait attendu plus, tellement plus…
Rimbaud venait d'une bourgade des Ardennes, et cela s'entendait; quand il parlait, il avait l'accent, les expressions, les manières. Il était loin d'être aussi distingué qu'un bel homme parisien. Et pourtant, il savait qu'il valait mieux que tous les sales bourgeois de Paris réunis. Il valait même mieux que tous ces cons qui se pavanaient dans le salon de la Présidente… Mais il préférait ne pas penser à eux, au risque de se mettre en colère.
Rimbaud avait passé la place Pigalle, ignorant les roucoulements des prostituées qui l'appelaient. Il n'avait aucun intérêt pour elles… Du moins, pour le moment. Il se contentait de leur adresser un petit hochement de la tête et un signe de la main pour leur dire qu'il n'était pas intéressé. Là, tout de suite, il cherchait Verlaine. Cette espèce de trou était sûrement en train de se bourrer la gueule chez Jean-Jacques. 'Quel connard', se dit le jeune poète, 'il fait chier. '
En effet, Verlaine l'emmerdait bien à aller picoler tout le temps. Il était pitoyable quand il était saoul et le jeune Rimbaud avait bien du mal à le supporter.
La nuit était tombée quand le garçon de dix-sept and entra dans le bistrot de Jean-Jacques. Le bistrot était vide, et pourtant il y avait une figure au fond de la salle.
"Putain…" siffla le poète entre ses dents, rangeant sa pipe dans sa poche alors qu'il s'approcha dangereusement du fond de la salle sans accorder un regard au pauvre Jean-Jacques qui nettoyait le comptoir.
Rimbaud regardait le fond de la salle d'un œil noir, les poings serrés dans ses poches alors qu'il s'apprêtait à engueuler l'ivrogne qu'était Paul Verlaine.
"C'est bon, t'es fier de toi, j'suppose?" lâcha-t-il en voyant l'état dans lequel se trouvait son aîné.